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La Transformation de la noix de cajou au Mali : 100 millions d’euros d’apport annuel en devise

Marc Ibrahim Traoré

Dernière mise à jour : 8 déc. 2022

Actuellement, la noix de cajou est devenue un « produit alimentaire » de luxe, un aliment essentiel de la cuisine et un produit reconnu pour ses vertus diététiques très prisées par les consommateurs des pays développés et de la classe moyenne mondiale en général. Cependant connaissez vous les opportunités que la filière anacarde offre pour les entrepreneurs et investisseurs ?

Cet article issu de notre expertise des marchés africains fournit un panorama de la filière de la noix de Cajou ainsi que son potentiel de valeur. Il met le focus sur les chaînes de valeur de la noix de cajou sachant que la pomme de cajou présente également un intérêt d'investissement.



Depuis la fin des années 1990, la noix de cajou est devenue l’un des plus importants produits d’exportation d’Afrique de l’Ouest et la principale culture de rente avec le coton dans une large bande climatique sahélo-soudanaise qui s’étend du Sénégal au Nigeria.

Son développement spontané s’est produit en parallèle dans plus de dix pays de la sous-région sous l’impulsion d’une forte demande internationale et dans le cadre d’un développement des relations commerciales entre l’Afrique de l’Ouest en particulier et l’Asie.


ANKATA Invest propose différentes analyses sectorielles et une information éclairée issue de notre expérience sur le terrain de l’économie africaine, afin permettre d’investir dans des entreprises prometteuses africaines des secteurs de l’agriculture, agro-alimentaire, l'élevage, la transformation, l'énergie et les services

Cette culture de rente est, pour de nombreux petits agriculteurs ouest-africains, une source de revenus monétaires nouvelle et essentielle à une période sensible de l’année (période de soudure), tant en termes de sécurité alimentaire que d’investissement dans le développement de leur exploitation.

“La noix de cajou offre également l’opportunité d’un développement important d’unités de transformation agro-alimentaires à fort besoin de main-d'œuvre.”


Toutefois, cette ressource peut être aussi une source de revenus très instable. En effet, les variations que connaissent ses prix au cours d’une même campagne de production et d’une campagne à l’autre peuvent être importantes. Elles exposent les agriculteurs mais également les commerçants, transformateurs, transporteurs, et autres acteurs impliqués dans la filière à des prises de risques importantes et à une forte insécurité économique en général. Il est important de savoir que cette fluctuation est moins importante vers l’aval de la filière c’est-à-dire en s’approchant le plus vers l’état de produit fini donc plus du consommateur final.

Les amandes de cajou ne sont pas considérées comme un produit de consommation courante compte tenu de son prix relativement élevé notamment en Europe, en Amérique et de plus en plus en Asie et au Moyen Orient.


Afin de saisir les opportunités qu’offre la filière cajou, il est important de réfléchir sur le moyen et long terme ainsi qu’en termes de chaîne de valeur. Il est essentiel de développer de nouveaux types de partenariats permettant de créer de la valeur partagée pour les différents acteurs de la filière

La présente note d'opportunité présente des informations générales sur la chaîne de valeur de l’anacarde (cajou) particulièrement de la noix permettant d’adopter une stratégie gagnante cajou pour le Mali dans un cadre partenarial entre différents acteurs de la filière. Ce partenariat peut se développer à travers l’interprofession de la filière anacarde du Mali (IPROFAM).


PANORAMA DE LA FILIERE SUR LE PLAN MONDIAL

Il est important de percevoir certains aspects clés de la dynamique de la filière Cajou sur le plan mondial afin d’adopter la stratégie la mieux appropriée sur le plan national.

Les différents segments de la filière à savoir la production primaire, la transformation et la commercialisation présentent des caractéristiques dont la compréhension est indispensable à la détermination d’une stratégie gagnante.


Production de noix brutes de cajou (NBC)


L’Afrique (Ouest et Est) fournie presque 60% de la production mondiale de NBC et l’Afrique de l’Ouest pris isolement produit 50% de la NBC mondiale.





Il faut remarquer que la production réelle du Mali peut-être estimée entre 110 000 et 150 000 tonnes de NBC par an. Cependant une bonne partie du flux échappe directement aux acteurs de la filière nationale. Les principales zones de production d’anacarde au Mali sont les régions de Sikasso, de loin la première région de production, et Kayes et Koulikoro dans une moindre mesure.

En effet, il y a peu d’exportateurs directs de NBC, une partie du peu de valeur sur la NBC leur échappe et l’économie nationale ne profite pas des apports de devises que procure une exportation directe.

Aussi, la production de NBC du Mali reste modeste, comparée à la Côte d’Ivoire, pays voisin, et premier producteur mondial de NBC.


Commercialisation de noix brutes de cajou (NBC)


Transactions commerciales sur les noix brutes de cajou

Une importante transaction commerciale concerne les noix brutes de cajou. En effet, l’Afrique, qui est la première zone de production de noix brutes de cajou, transforme très peu sa production, moins de 6% en 2020, malgré une forte progression (+48%) de la transformation en Afrique de l’Ouest en 2020.

L’Asie (Vietnam et Inde) reste la première zone de transformation des NBC, 90% des NBC mondiales transformées, pour ce qui concerne le premier niveau de transformation (production d’amandes blanches).

L’Afrique fournie près de 80% de la quantité totale importée de noix brutes de cajou par les principaux pays transformateurs (Vietnam, Inde et Brésil). Cette part diminue d’année en année sous l’effet combiné de l’augmentation de la production et de la transformation en Afrique.

La valeur marchande d’exportation de la NBC pour l’Afrique est supérieure à 2 milliards USD.


Transformation de noix brutes de cajou (NBC)


La transformation de premier niveau des noix brutes de cajou comprend environ une douzaine d’opérations aboutissant à produire des amandes blanches de cajou.


Ce produit peut être consommé en l’état mais le plus souvent intègre d’autres processus de transformation alimentaire (torréfaction, confiserie, pâtisserie…).

La transformation des noix brutes de cajou est créatrice d’emplois et procure de meilleurs revenus grâce à la plus forte valeur ajoutée sur les amandes. Par conséquent, la plupart des pays producteurs de NBC ont la volonté de transformer les NBC au lieu de les exporter brutes.


Cependant, ce mouvement encore à ses débuts, reste très modeste. La transformation mondiale de la NBC reste largement dominée par deux pays le Vietnam (53%) et l’Inde (37%). Le Brésil, 3ème producteur, avec seulement 3% de part de la transformation mondiale, est en passe d’être supplanté par la Côte d’Ivoire qui atteint 2% de part de la transformation mondiale. Cependant, l’Inde stagne voire recule sur sa part relative de transformation de NBC alors que le Vietnam croît fortement sa part de transformation depuis plus d’une décennie.


Malgré les efforts des pays africains pour développer la transformation, leur part reste très modeste. La Côte d’Ivoire est le moteur de cette volonté de la transformation des NBC en Afrique compte tenu de sa place de premier producteur mondial de NBC.


Il faut également remarqué que certains pays africains notamment en Afrique de l’est ont une politique de transformation totale de leur production au détriment de la commercialisation de la noix brute de cajou.


Il est clair que la transformation de la noix brute de cajou peut prospérer avec la définition d’une véritable politique dans ce sens.

La transformation au Mali, qui concerne moins de 1% de la production de NBC, est plutôt artisanale. Ce niveau ne peut constituer un socle pour une véritable politique de transformation. Il est important de définir et construire une politique de transformation de l’anacarde du Mali en prenant en compte le panorama international.

Consommation et demande d’amandes de cajou


A part l’Inde, qui est un grand pays producteur de noix brutes de cajou (2ème mondial), transformateur (2ème mondial) et consommateur (1er mondial), les plus grandes zones géographiques de consommation de l’amande de cajou sont des zones non productrices. Il s’agit de l’Amérique du Nord et de l’Europe.


Il existe un fort potentiel de promotion de la consommation d’amandes dans les pays producteurs où paradoxalement, à l’exception de l’Inde, les amandes de cajou sont faiblement consommées.

Consommation Amandes de Cajou équivalent NBC (T) par Pays/Zone


Demande d’amande de cajou : importations


A part l’Inde, la consommation des amandes de cajou est tributaire d’importations et d’exportations intenses.

L’Amérique du Nord, en particulier les Etats-Unis d’Amérique, et les Pays de l’Union européenne sont les principaux importateurs d’amandes de cajou auprès de principalement 4 pays constitués du Vietnam, de l’Inde, du Brésil et de la Côte d’Ivoire.


Demande d’amande de cajou : exportations

Les principaux pays exportateurs de cajou par ordre d’importance décroissant sont le Vietnam, l’Inde, le Brésil et la Côte d’Ivoire. L’Inde malgré sa 2ème place des pays exportateurs stagne voire recule d’année en année probablement à cause de la grande consommation interne des amandes de cajou. La Côte d’Ivoire augmente sa part chaque année et est en passe de prendre la 3ème place au Brésil.


En tout état de cause, le Vietnam détient plus de 80% des parts de marché mondial des amandes de cajou. Il a 86% des parts en 2020 parmi les 4 premiers pays d’exportateurs d’amande de cajou.

Représentation des 4 premiers exportateurs d'amandes de cajou (T)


Distribution de la valeur ajoutée du cajou


La filière anacarde ou cajou est une spéculation qui fait intervenir plusieurs acteurs à plusieurs niveaux de la chaîne de valeur de la filière.


La stratégie pays de la filière cajou doit tenir compte de l’ensemble des facteurs de l’environnement mondial de l’anacarde ainsi que les forces et faiblesses internes à la filière sur le plan national.


Les négociants et distributeurs totalisent 52% de part de la valeur ajoutée sur le produit fini de cajou. Les industriels totalisent 36% de part de la valeur ajoutée contre 12% pour les producteurs.


CHOIX DE LA TRANSFORMATION DE LA NOIX BRUTE DE CAJOU AU MALI


Certains pays producteurs de noix brutes de cajou en Afrique affirment de plus en plus leur volonté de transformer la NBC pour ne pas être seulement cantonnés au rôle d’exportateurs de matière première au profit de l’industrie asiatique du cajou.

Compte tenu de la production modeste de noix brutes au Mali et de leur exportation directe limitée, le Mali doit faire le choix d’une transformation totale de sa production.

Une évaluation comparative rapide entre la commercialisation de la noix brute de cajou pour l’export et sa transformation conforte dans le choix d’une transformation totale au profit de la filière. Il faut préciser qu’en ne procédant pas directement à l’exportation, les acteurs économiques se privent de meilleures rémunérations et devises.


La production actuelle du Mali (110 000 à 150 000 tonnes de NBC) permet une politique rapide de transformation totale. Par ailleurs, compte tenu des revenus supérieurs générés par la transformation de la NBC et la commercialisation de l’amande, les devises engrangées, l’amélioration de la balance commerciale et tous les effets induits par l’activité de transformation (emplois, dépenses intermédiaires, impôts et taxes indirects), l’IPROFAM doit s’engager résolument dans une vision stratégique orientée vers la transformation totale.





Proposition de formulation d’une vision pour la filière cajou du Mali


Réaliser l’ambition de transformation de la matière première en produit à forte valeur ajoutée, la mieux aboutie, au profit de l’ensemble des acteurs de la filière et de la communauté.


Proposition de la stratégie

La stratégie de la filière cajou du Mali est de multiplier par trois la production de noix brutes de cajou (450 000 tonnes / an), de certifier au moins 75% de la production en agriculture biologique et de commercialiser 100% de sa production en amandes de cajou à l’horizon 2030.

Cet objectif permettrait de créer 112 500 emplois directs pour environ 440 millions de USD de revenu généré.

Plan opérationnel de la stratégie cajou du Mali 2030

Accroissement par trois de la production de noix brutes de cajou par l’augmentation des superficies plantées et par l’augmentation de la productivité.

Les anacardiers sont vieillissants et n’ont pas bénéficié de nouvelles techniques culturales et de meilleures variétés disponibles actuellement. Compte de la période moyenne de croissance et d’entrée en production de nouvelles plantations, il est indispensable d’avoir une politique de plantation d’anacardiers qui réponde également aux objectifs de lutte contre la désertification, lutte contre le changement climatique et de résilience des populations rurales vulnérables.

Vulgarisation des meilleures pratiques culturales et de collecte de l’anacarde

Le renforcement des capacités dans l’agroforesterie et la mise à disposition de plants d’anacardiers à meilleur rendement permettraient d’obtenir un meilleur aménagement des plantations et de meilleurs rendements des anacardiers à moyen et long terme ;

Certification BIO des zones de plantation

Les marchés notamment ceux du nord rémunèrent mieux les produits agricoles biologiques. Les produits de l’anacarde ne dérogent pas à cette règle parfois la surcote dépasse les 50% sur les produits finis.

La majorité de l’agriculture et l’agroforesterie au Mali n’utilise pas de fertilisants ni de produits phytosanitaires chimiques parfois tout simplement par manque de ressources pour y accéder. Cependant, la nature probable de nos produits agricoles n’est pas valorisée par les marchés faute de certification.

Un plan de certification des NBC du Mali en label BIO doit être un objectif afin de permettre sa meilleure valorisation sur le marché.




Implantation des infrastructures de stockage aux normes des noix brutes de cajou

La campagne d’anacarde s’étend sur une période d’environ 3 mois dans l’année. Afin de pouvoir assurer un fonctionnement continu des unités de transformation, il est nécessaire de s’approvisionner pour la période annuelle sur 3 mois. Le stockage respectant la bonne conservation des NBC est donc nécessaire. Aussi, même pour assurer une commercialisation appropriée des NBC, le séchage et stockage de volumes importants de noix brutes, dans des conditions optimales, est indispensable.

Les infrastructures de stockage de la NBC dans les bassins de production, gérées notamment par les coopératives ou l’IPROFAM, seraient le premier jalon de la valorisation de l’anacarde. Elles doivent répondre aux normes de bonne réception et de conservation du produit sur plusieurs mois. La disponibilité des infrastructures de stockage aux normes peut également constituer des solutions à l’accès au financement pour la commercialisation/exportation ou l’approvisionnement des unités de transformation d’anacarde.

Implantation des unités industrielles de transformation de la NBC en amande



La stratégie de la transformation complète de la production nationale de NBC nécessite un schéma d’implantation d’unités industrielles à grand volume permettant les gains de productivité indispensable à la compétitivité des productions sur le marché international. L’industrie de la transformation primaire de l’anacarde est dominée par l’industrie asiatique particulièrement vietnamienne qui dicte les principales conditions notamment les prix du marché. Elle est particulièrement compétitive en raison de l’effet volume, l’effet d’expérience et aussi les coûts des facteurs de production moins onéreux qu’au Mali.

Certification aux normes de qualité des unités industrielles de transformation de cajou

En plus de la certification de l’agriculture biologique, qui permet une meilleure rémunération du produit sur le marché, la certification qualité des processus de production est également nécessaire.

Les unités industrielles à promouvoir devront, en fonction des exigences de leur marché et dès la conception des projets, prévoir de respecter et se faire certifier dans les normes :

  • HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Point), le système d'analyse des risques et de maîtrise des points critiques

  • ISO 22000, qui est la norme ISO spécifique aux systèmes de management de sécurité Alimentaire

  • BRC (British Retail Consortium), il s’agit d’exigences en matière de sécurité des denrées alimentaires élaborées sur une base commune pour les marques distributeurs de produits alimentaires en Grande Bretagne. Ces normes sont adoptées par l’industrie agroalimentaire notamment à travers le monde. Elle est très appréciée des industriels de 2ème niveau de transformation de l’anacarde en Europe et aux USA.

La promotion des normes de qualité doit être un des principaux objectifs de l’IPROFAM et l’orientation vers la certification qualité, une orientation des industriels dès la conception des projets.

Développement d’un label (marque collective) des amandes de cajou du Mali

Le Mali, même en transformant en amande la totalité de sa production actuelle, ne produira pas plus de 33 000 tonnes d’amandes à moyen terme. Cette quantité relativement modeste, 7% de la demande mondiale d’amande en 2020 (hors consommation des pays producteurs de NBC), pour bénéficier d’une visibilité notamment sur le marché européen qui est le plus proche pourrait s’appuyer sur une marque collective à développer par l’IPROFAM.

Promotion des amandes du Mali sur les marchés consommateurs d’Europe et d’Afrique

En bénéficiant des différents labels et certifications, le marché naturel des amandes du Mali serait les pays européens. L’Europe est à peine à deux semaines des côtes africaines, le bilan carbone des amandes envoyées d’Asie vers le marché européen et issues des noix brutes de cajou parties d’Afrique est très défavorable en comparaison des amandes africaines particulièrement maliennes. Ces dernières, issues d’une agriculture biologique, d’un processus industriel certifié qualité et bénéficiant éventuellement d’un label « commerce équitable », seraient compétitives et profitables pour l’ensemble de la filière.




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1 Comment


Aquibou Doucoure
Aquibou Doucoure
Jun 25, 2022

Merci pour cette analyse très riche...en effet, avec un prix de vente qui peut aller jusqu'à 30 euros(19700Fcfa) le kg en france, il y a de belles opportunités pour les entrepreneurs africains et investisseurs dans la noix de cajou.

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